AJT-MP... L’Association des Journalistes de Toulouse et sa région
Accueil du site > Actualité des médias > Martin Malvy : « Aujourd’hui, le journaliste est plus indépendant du (...)

Interview

Martin Malvy : « Aujourd’hui, le journaliste est plus indépendant du politique »

publié le jeudi 1er mai 2008

 

L’Association des Journalistes de Toulouse et Midi-Pyrénées a rencontré Martin Malvy le 19 mars dernier. Nous avons interrogé le président de Région sur son passé de journaliste, sa perception de l’évolution des rapports entre journalistes et politiques, la situation des journalistes en Midi-Pyrénées et les mouvements de rapprochement entre les groupes de presse du Grand Sud.

 

Propos recueillis par Jean-François Haït, Frédéric Dessort et Marc Pouiol

Photos Alexandre Gelebart

 

 

Vous avez un long parcours politique... Mais vous avez fait vos débuts dans le journalisme. Etait-ce une vocation ?

Le journalisme, c’était un de mes rêves d’enfant. A Souillac, où je vivais, j’avais rencontré un ancien grand reporter au Figaro, et ses récits m’avaient séduit. Ensuite, cette envie était passée. Et puis un jour, la place de correspondant du journal Sud-Ouest à Cahors s’est libérée, et je l’ai prise. J’avais 22 ans et je faisais tout : reportages, photos, etc. Ensuite, après mon service militaire, je suis parti à Tours, à la Nouvelle République, où j’ai fait du secrétariat de rédaction pendant deux ans. Puis j’ai essayé la radio, chez Europe 1 à Paris, où l’on m’a dit : vous avez trop d’accent ! J’ai alors pris contact avec La Dépêche du Midi, qui m’a recruté pour créer l’édition des Landes, concurrente de Sud-Ouest, qui n’a finalement pas vu le jour. Ensuite, je suis passé par les locales de Tarbes, en 64-65, puis Brives, Agen, Cahors...

Comment êtes-vous passé du journalisme à la politique ?

J’ai milité pendant la guerre d’Algérie dans le parti de François Mitterrand qui voulait refonder un grand parti socialiste. Je l’avais d’ailleurs recontré pour la première fois à Tarbes alors que j’étais correspondant de l’Agence France Presse. Le métier de journaliste m’a permis d’avoir un poste d’observation privilégié.

Dans le Lot, j’ai découvert le fonctionnement des conseils généraux, de la vie municipale. Et puis j’ai été candidat et élu aux cantonales en 1970 (*). J’ai été pendant près de 7 ans journaliste et élu ! Mais ce n’était pas facile. A Cahors, je dirigeais l’agence de La Dépêche et le député d’alors était un adversaire politique. J’ai donc institué une sorte de règle du 50/50 sur la couverture de l’information. Je me demande si on pourrait encore faire ça aujourd’hui...

Justement, qu’en est-il aujourd’hui de l’indépendance des journalistes, notamment par rapport aux politiques ?

Martin Malvy : J’ai le sentiment que les journalistes ont plus d’indépendance vis-à-vis des directions [de journaux] qu’ils n’en avaient à l’époque. Encore que nous n’avions pas beaucoup d’instructions de la direction de La Dépêche. Tout le monde croyait que nous étions corsetés, muselés…
Le journaliste est sans doute aussi plus indépendant du politique. Il y a des choses qui ne seraient plus possibles, ni de la part d’élus à l’égard de journalistes, ni de la part de représentants de l’Etat. Je me souviens avoir été convoqué - convoqué, c’est bien le mot - par les préfets. Et de réagir, par exemple, en n’ouvrant plus leurs courriers. Il y avait des tensions qu’on n’imagine pas aujourd’hui. Mais la société s’est arrondie depuis, et les relations entre hommes sont plus simples, plus directes.

Quelle est votre perception de l’évolution des conditions de travail des journalistes ?

Martin Malvy : Les conditions de travail étaient tout à fait différentes à mon époque. D’abord, il n’y avait pas les 35 heures. Je ne sais pas si les journalistes aujourd’hui arrivent à pratiquer les 35 heures. Or, dans les fonctions qui ont été les miennes de chef d’agence, c’était du 24 h sur 24. Y compris dans des agences importantes comme à Tarbes où il y avait 5 à 6 journalistes.
Aujourd’hui, je pense que le journaliste est beaucoup plus technique : il ne dicte plus à personne, il rédige son article, il le calibre, il l’envoie tout seul. Cela implique aussi la disparition d’un certain nombre de tâches. J’amenais moi-même le hors-sac au train, j’ai fait du marbre au plomb, passé des nuits avec les metteurs en page du livre, transporté des blocs pour la photo… et puis dans les années 70, la composition à distance s’est développée, les agences ont commencé à en être équipées, le telex a disparu…
Quant aux conditions sociales, beaucoup attendaient longtemps la carte de presse. Sur le plan de la rémunération, ce n’était pas très brillant, mais je pense qu’on a dû rester dans le même rapport de rémunération par rapport aux autres professions.

 

 

Selon vous, quelle est la situation des journalistes en Midi-Pyrénées ?

Martin Malvy : Aujourd’hui, sur la place de Toulouse, je vois beaucoup de pigistes et même de correspondants de presse « professionnels », alors qu’à mon époque les journalistes occupaient des postes permanents. Il n’est d’ailleurs pas normal que quelqu’un exerce à temps plein le métier de journaliste sans en avoir le statut. Mais c’est un vieux débat syndical...

On a le sentiment aujourd’hui, que dans un certain nombre de médias, les journalistes n’ont plus le temps de faire le travail de vérification de l’information…

Martin Malvy : Alors, voilà, je crois, ce qui a le plus changé. La rapidité de l’information, la nécessité pour le journaliste de livrer son article sans parfois avoir le temps de s’informer … Je me souviens par exemple d’un de mes grands moments de journaliste, quand j’avais retrouvé dans le Lot la trace de Paul Pavlovitch, le neveu de Romain Gary, qui avait pu obtenir en 1975 un prix Goncourt sous le pseudonyme d’Emile Ajar (**). J’ai réussi à convaincre le rédacteur en chef de la Dépêche de me laisser un peu de temps pour sortir une interview complète. Aujourd’hui, ce serait impossible, on mettrait immédiatement l’information sur Internet. In fine, je ne pense donc pas que le métier ait fondamentalement changé. C’est la vie qui a changé. Il y a une accélération, il y a tout ce qui tourne autour d’Internet, il y a une plus grand facilité à imprimer, le phénomène des gratuits : le panorama est bouleversé.

On a pu assister tout récemment au rachat des Journaux du Midi (dont Midi Libre) par Sud-Ouest. Cette opération devait se faire avec la Dépêche du Midi, qui pour l’instant n’est pas entrée au capital. Néanmoins, comment jugez-vous ce rapprochement ? Est-ce une bonne chose ?

Martin Malvy : Je ne sais pas si c’est une bonne chose. Les difficultés de la presse régionale, totalement différentes de celles de la presse nationale, se traduisent par l’obligation de produire chaque jour un nombre de pages important. Ce, avec des diffusions qui sont faibles. Je comprends assez bien que les responsables des titres cherchent à mutualiser un certain nombre de dépenses. Incontestablement, les discussions de rapprochements s’inscrivent dans cette problématique. Je note toutefois que dans ce phénomène général de concentration des médias, on voit paradoxalement l’émergence d’un nombre croissant de feuilles indépendantes locales. 
Ceci étant, ces rapprochements sont-ils de nature purement économique, ou est-ce aussi une concentration de la pensée, de l’écrit, portant atteinte à la déontologie, à l’indépendance des journalistes ? La question reste ouverte.

 

(*) Martin Malvy est ensuite devenu vice-président du Conseil Général du Lot de 1972 à 1977
(**) Romain Gary avait réussi à obtenir, en 1975, un deuxième prix Goncourt pour le roman « La vie devant soi » en utilisant le faux nom d’Emile Ajar. Il a trompé le jury en se faisant représenter par un de ses proches parents, Paul Pavlovitch. Plus d’infos ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Emile_Ajar

 

SPIP | | Plan du site | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0 |

Crédits techniques :
Réalisation : missTizia - Photos bandeau d'entête : Rémy Gabalda - Logo : Fabienne Gabaude

Les partenaires de l'AJT :

Novotel Toulouse Centre

EJT

La Mêlée Numérique

Dolist

Diagora

Fullsave

AltoSpam

Science Po Toulouse