Nous sommes tristes, bouleversés. En ce XXIe siècle qui aurait dû retenir les leçons de l’histoire sanglante des siècles précédents, nous ne comprenons pas que des êtres humains puissent toujours tuer aussi froidement, méthodiquement, lâchement, d’autres êtres humains à Paris, à Saint-Denis, à Beyrouth, en Irak, en Syrie... Nous voulons montrer notre solidarité et notre soutien aux victimes et nous nous sentons impuissants. Nous sommes en colère et nous ne savons pas comment exprimer cette colère. Car nous ne voulons pas nous laisser aller à la haine. Nous sommes citoyens du monde et nous ne nous laisserons pas diviser, nous opposer entre religions ou nationalités. Ces actes monstrueux ont été commis par des fanatiques manipulés par une idéologie totalitaire sous le couvert de l’islamisme. La bête immonde - quelle qu’elle soit - est toujours prête à ressurgir.
En tant que journalistes, nous avons une responsabilité particulière lors de tels événements. La surenchère d’images et de paroles qui surfent sur l’émotionnel contribuent à une atmosphère de peur, comme d’ailleurs le souhaite Daech. Cessons de l’alimenter, de la provoquer et faisons notre travail de décryptage au-delà de l’immédiateté et de la proximité des faits. D’autres villes et pays sont touchés par le terrorisme djihadiste depuis des années, avec des milliers de victimes, sans que nous y accordions plus d’importance que quelques articles ou reportages. Nous n’avons réalisé que la France était également devenue une cible qu’en janvier dernier, même si cela avait commencé dès 2012 avec l’affaire Merah. Cet électrochoc doit nous inciter à chercher les racines de ce terrorisme djihadiste qui n’est pas né par génération spontanée et qui ne s’est pas développé seulement par l’attrait de son idéologie sur des jeunes en mal de repères. Les interventions militaires post 11-Septembre et le bouleversement de la situation géopolitique, le financement de ces organisations par des pays « amis » de nos démocraties occidentales, l’important commerce international des armes, ont sans nul doute leur part. Il ne s’agit pas de renverser la charge de la responsabilité, qui appartient à ceux qui ont manipulé et envoyé les tueurs. Mais il est urgent et nécessaire de prendre en compte l’ensemble de ces éléments et de ne pas se satisfaire d’une réponse sécuritaire.
Sylviane Baudois, vice-présidente de l’AJT-MP