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La loi de Lynch pour les journalistes

publié le dimanche 25 novembre 2018

Dans certains rassemblements des « gilets jaunes » de notre région, la chasse aux journalistes était ouverte le samedi 24 novembre. Place du Capitole à Toulouse dans l’après-midi, des journalistes de BFM TV ont été violemment pris à partie (« BFM collabo ») et un d’eux a échappé de peu au lynchage en s’enfuyant dans une rue adjacente, poursuivi par plusieurs dizaines de manifestants. Il a dû son salut à l’accueil d’une gérante de boutique qui a fermé sa grille. Des journalistes de CNews ont été la cible d’insultes et de projectiles. A Béziers, ce sont des journalistes de « Midi Libre » qui ont été molestés et accusés d’être « vendus à Macron » ; malgré les essais de dialogue, les locaux du journal ont été attaqués. La semaine dernière à Balma, un journaliste pigiste de France Bleu a été pris à partie dans une moindre mesure.

Ce ne sont pas les premières agressions depuis le début des rassemblements un peu partout en France, alors que paradoxalement, le mouvement des « gilets jaunes » a été annoncé, relaté, suivi en direct par les médias de manière beaucoup plus conséquente que les manifestations et mouvements sociaux de ces derniers mois.

Enfin, Laurent Dubois de France3 Occitanie a été harcelé par Franck Buhler, figure des « gilets jaunes », pour avoir enquêté sur son parcours politique.

La colère, largement exprimée dans les rassemblements, a été sans doute mauvaise conseillère. Mais l’habitude de plus en plus fréquente chez des responsables politiques de tous bords - y compris au gouvernement - de dénigrer, d’insulter les journalistes et les médias, voire d’appeler à les agresser, porte une lourde responsabilité dans les derniers événements ; les réseaux sociaux font le reste.

L’immense majorité des journalistes ne sont pas des privilégiés. Salariés, souvent précaires, avec eux aussi les difficultés de fins de mois, ils tentent de faire leur métier le mieux possible. On peut être en désaccord avec la manière dont les rassemblements sont relatés ; plus généralement, on peut déplorer la concentration de la presse française dans les mains de quelques financiers. Mais cela n’excuse et ne justifie en rien des comportements violents envers les journalistes ou qui que ce soit. Ces méthodes rappellent singulièrement celles des dictatures ailleurs dans le monde. Sans la liberté de la presse, pas de liberté de penser, de s’exprimer et d’agir. Ici, la liberté de la presse signifie pouvoir faire son travail sans aucune pression ni menaces de la part de manifestants, policiers, politiques, gouvernants ou autres. Les journalistes et les médias représentent souvent un des derniers remparts de la démocratie, fortement contestée actuellement comme non représentative et inefficace. Mais partout où la démocratie a laissé la place à des régimes autoritaires, les libertés publiques et individuelles - dont la liberté de la presse - ont disparu et les atteintes aux droits humains élémentaires les ont remplacées, y compris en Europe.

Ces inquiétantes dérives représentent un danger bien réel. « Gilet jaune » ou non, journaliste ou non, que nous apprécions ou non les médias visés, notre devoir est de réagir et d’exprimer notre solidarité avec les journalistes agressés et transformés une fois de plus en bouc-émissaires de tout ce qui ne va pas dans notre société.

Le 25 novembre 2018

Sylviane Baudois

Vice-présidente de l’Association des Journalistes de Toulouse et de sa région

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